Machinisme de demain : un défi humain ! Gaec du Pré Vert : « La méthanisation ouvre la voie à la totale autonomie »

À Verrières-en-Forez, commune ligérienne de près de 700 habitants, l’unité de méthanisation de la SAS Robert Forez Énergie se dresse au bord de la route menant au village. Elle se tient juste en dessous de la stabulation des vaches laitières du Gaec du Pré Vert. Associés à Adrien Aymard, Sébastien et Nicolas Robert sont à la tête d'un élevage de 110 montbéliardes et prim’Holstein, repris à la suite de leurs parents, Roland et Nicole. L’exploitation occupe ces terres aux portes du village depuis 1990, date de l'installation de Roland Robert. La SAS Robert Forez Énergie, quant à elle, a vu le jour en 2014, lors de la construction de l’unité de méthanisation. La réflexion sur ce projet mûrissait alors depuis 2009. Cette installation en cogénération fut initialement dimensionnée pour une puissance électrique de 125 kW. Le projet prévoyait également de valoriser la chaleur émise par le moteur thermique, à travers un réseau de chauffage installé entre la ferme et le lycée hôtelier, situé sur les hauteurs du bourg. Dès le départ, les agriculteurs ont choisi de doubler le diamètre des conduites de transport d’eau chaude afin d’anticiper une montée en puissance de leur installation. Pour un coût total initial de 1,3 million d’euros, la SAS a touché une aide de la région de 400 000 €.

Bon plan pour la région

La chaleur distribuée dans les salles du lycée permet à l’établissement public d’économiser l’achat de 180 000 L de fioul chaque année. « Vu l’économie que fait la région sur le chauffage du lycée, elle a rapidement rentabilisé l’aide qu’elle nous a versée au départ, analyse Nicolas Robert. Finalement, je considère plus cela comme une avance de trésorerie. » Jusqu’en 2020, la ration du méthaniseur se compose des effluents de l’élevage laitier et de quelques exploitations alentour, pour 70 %. Le reste est constitué de matières stercoraires, c’est-à-dire issues de la panse des animaux abattus à Saint-Étienne et à Roanne, dans la Loire. L’optimisation de l’incorporation des matières dans le digesteur permet à la SAS Robert Forez Énergie de fournir 145 kW de puissance moyenne sur la première année de fonctionnement. En 2020, les associés déposent un dossier d’enregistrement afin de collecter les déchets de collectivités. L’installation se complète alors d’un hygiéniseur évitant les contaminations par les bactéries dans le digesteur. « Les déchets de collectivités, comme les restes de cantine, produisent de 120 à 130 m³ de gaz par tonne, expose Nicolas Robert. C’est le double de la ration initiale. Nous avons donc installé un second moteur, d’une puissance de 100 kW, portant la production électrique totale à 250 kW. »

Du gaz à revendre

La nouvelle ration étant parfaitement maîtrisée, les deux moteurs thermiques ne suffisent pas à absorber tout le gaz produit par le méthaniseur. Les agriculteurs optent donc pour une station de distribution de bioGNV à destination des véhicules carburant au gaz naturel. « Depuis la mise en service de la station, plusieurs personnes du village sont venues nous voir pour savoir comment fonctionne l’installation et elles réfléchissent à l’achat d’une voiture au gaz. Étant donné que nous ne sommes pas reliés au réseau de distribution de gaz, nous ne subissons pas les fluctuations des prix induites par les importations, notamment depuis la Russie. Ici, le plein revenait à un tiers du prix lorsque les cours se sont envolés à cause de la guerre en Ukraine. » Depuis août 2022, le Gaec du Pré Vert exploite un tracteur New Holland T6 fonctionnant au méthane. Son coût d’achat plus élevé est cofinancé par GRDF, GRTgaz et l’Association des méthaniseurs de France dans le cadre d’une expérimentation. Son utilisation, pour réaliser les mêmes tâches qu'avec un tracteur équivalent à moteur thermique, est en revanche complètement gratuite puisque l’engin carbure au gaz produit sur la ferme. En plus du tracteur, cinq voitures personnelles des associés et de l’exploitation roulent avec ce carburant. La station, premier modèle commercialisé par Prodeval, alimente également deux bus du transporteur montbrisonnais 2TMC. Ces véhicules sont affectés à la ligne régulière Montbrison – Saint-Étienne.

Un village autonome en énergie

Nicolas Robert souhaite aller encore plus loin. « Nous sommes actuellement en discussion avec Cargaz afin de tester le Nomacub, sa solution de distribution et de stockage de biométhane produit à la ferme. L’idée serait d’avoir plusieurs contenants de ce type afin de livrer du gaz au lycée. Celui-ci servirait à combler le manque de chauffage en remplacement de l’actuelle chaudière au fioul. Nous pourrions aussi alimenter les pianos dans les cuisines, ce qui représente un poste de dépense important dans un lycée hôtelier. Aujourd’hui, notre installation fournit 2,2 MWh d’électricité par an, de quoi couvrir la consommation du village. Avec les véhicules et les transports scolaires carburant au gaz, nous serions presque en totale autonomie à l’échelle d’un village. C’est là que je vois l’intérêt d’une installation comme la nôtre. Et tout cela uniquement à partir de déchets. Il me semble complètement absurde de mettre de l’ensilage dans un méthaniseur. Nous préférons le donner à nos vaches, qui le valorisent en lait et produisent en même temps des effluents pour la méthanisation. Nous sommes éleveurs avant tout, et cette unité pérennise l’activité agricole en plus de rendre service à la collectivité », conclut Nicolas Robert.